L’histoire méconnue  de Marie Juchacz à Sauvagnon

Cette célèbre femme politique s’est cachée ici au début du conflit de 1939-45. Flash-back

Tout commence par une visite inopinée à la mairie, suivie d’une venue plus récente de Lydia Struck (photo) à Sauvagnon. Reçue par le maire, cette citoyenne allemande, historienne et auteure, lui livre alors une histoire passée sous les radars de la mémoire collective sauvagonnaise.

Son arrière grand-tante, Marie Juchacz, femme politique de renom outre-Rhin (comme on va le voir plus loin), a été hébergée ici, en 1940 et 41, alors que vient d’éclater la seconde guerre mondiale. Elle faisait partie d’un groupe de 9 réfugiés, qui étaient impliqué dans la résistance allemande contre les Nazis et parmi lesquels se trouvaient aussi les journalistes Emile Kirschmann et Max Hofmann.

Lydia Struck, qui travaille à un ouvrage au long cours nommé « Sur la route de l’exil », veut lever les dernières zones d’ombre enveloppant cette période particulièrement troublée. Elle précise même que « Sauvagnon est la dernière station d’une recherche commencée à Berlin. J’ai fait plus de 2000 kilomètres et de nombreux journaux allemands suivent actuellement mon projet ».

PREMIÈRE A LA TRIBUNE DU REICHSTAG

Plusieurs photos d’époque, à peine jaunies par le temps, attestent effectivement de la présence de ce groupe qui, à Sauvagnon, participa notamment aux travaux des foins. Au cours de divers échanges, la descendante de Marie Juchacz se fait même plus précise , évoquant entre autres « une maison qui était située en bord de village ».

A propos de l’aide reçue par son aïeule, elle indique également que « le groupe de réfugiés a été protégé par le maire de l’époque » – en l’occurrence Bertrand Malabat, élu de 1923 à 1954 – « jusqu’à ce qu’il puisse émigrer vers les États-Unis en Mars 1941 ».

Pour bien comprendre la personnalité de cette réfugiée hors du commun, un flash back s’impose. Née en 1879, dans la province de Brandebouerg, Marie Juchacz (née Gohlke), et qui repose depuis 1956 au cimetière de Cologne, a été une élue de premier plan au sein du SPD, le parti social-démocrate allemand. Après avoir exercé plusieurs métiers (femme de ménage, infirmière, couturière, ouvrière en usine…), elle s’engage publiquement pour les droits des enfants et des femmes.

En 1919 alors les femmes d‘Allemagne viennent d’obtenir le droit de vote, elle fait partie des 37 représentantes du sexe dit faible élues, cette année-là, au Reichstag, le parlement de ce qui était alors la jeune République de Weimar. Le 19 février précisément, Marie Juchacz est même la première femme, de toute l’histoire parlementaire allemande, à prendre la parole devant l’hémicycle. À la fin de la même année, elle crée la Fondation des travailleurs AWO (Arbeiterwohlfahrt), qui existe encore de nos jours. Elle sera constamment réélue jusqu’à la fin de la république, en 1933. Après l’arrivée au pouvoir d’Adolf Hitler, Marie Juchaczelle s’enfuit d’abord à Sarrebruck, où elle contribue au travail de résistance de son beau-frère Emile Kirschmann. Elle tient une cantine ouverte midi et soir qui sert de point d’information pour les réfugiés venus d’Allemagne. En 1935, après le vote Sarrois, elle s’enfuit cette fois avec un groupe vers la France voisine – d’abord en Lorraine, puis en Alsace. Au début de l’occupation en juin 1940 Marie Juchacz et le groupe Kirschmann arrivent à Pau. C’est avec l’aide d’un ami qu’ils sont accueillis à Sauvagnon et trouvent refuge dans un maison inoccupée.

Puis, avec ses compagnons, et après le déclenchement du conflit mondial, elle s’efforcera, avec succès, d’obtenir un visa pour les Etats-Unis, via Marseille. Sans oublier son séjour de plusieurs mois à Sauvagnon. Marie Juchacz ne devait revenir de son exil qu’en 1949.

Marie Juchacz, discours lors de la campagne électorale de1930, Berlin.
Source: AdSD/FES, Bonn FB038955 Titre: Marie Juchacz, discours lors de la campagne électorale de1930, Berlin