Eric Miloua, le directeur de l’établissement basé à Sauvagnon où résident 70 personnes, revient sur ces dernières semaines vécues au cours d’une crise totalement inédite. Et tente aussi de se projeter sur l’avenir.
Quelle est la situation au sein de l’EHPAD ?
Tout d’abord, nous n’avons pas eu de malade du Covid-19. Nous avons déploré deux décès à la mi-mars, mais ils n’avaient rien à voir avec le coronavirus . Ensuite, les protections et les gestes barrières sont bien appliqués, et nous avons toujours essayé d’avoir un temps d’avance sur les directives. L’établissement a été confiné dès le 12 mars. Puis, le 25, les résidents ont été confinés dans leurs chambres. Ce confinement, strict au départ, a été levé progressivement. Nous avons organisé des ateliers d’animations en prenant toutes les précautions sanitaires. Les petites sorties sont accompagnées. Depuis le 26 mars, des systèmes de communication avec les familles (par Skype, messageries, tablettes video…) sont en place. Enfin, des visites, très encadrées pour les familles, sont possibles depuis le 15 avril.
Dans quel état d’esprit sont les résidents ?
Même si nous essayons de mettre un peu de vie dans cette période de confinement, avec par exemple ce concert très apprécié qu’est venu donner Bruno Sallaberry sous les fenêtres de l’ Ehpad, ils sont forcément inquiets. Inquiets pour leurs familles aussi car la plupart d’entre eux ont compris la dangerosité du virus. Aujourd’hui, le fait de pouvoir voir leurs proches, même derrière un plexiglas, redonne le sourire à nos résidents !
Un mot sur les 50 salariés de l’établissement ?
Ils sont tout simplement extraordinaires, toutes fonctions confondues. Il n’y a plus de couleurs de blouses, les tâches ont été redistribuées. Et, aujourd’hui, cela me conforte dans l’idée qu’on n’est pas un personnel soignant par hasard. Ils donnent tous beaucoup, avec énormément de cœur, même si ils viennent travailler en ayant peur. Nous ne sommes pas à l’abri, et tout le monde en est conscient. J’ai dû écarter sept salariés car ils présentaient des pathologies. Leur salaire est bien sûr maintenu et ils restent chez eux, à disposition, au cas où…
L’environnement immédiat de l’Ehpad s’est aussi mobilisé : comment l’avez-vous ressenti ?
Notre établissement s’appelle l’Ehpad des Luys, et ce n’est pas pour rien ! Il y a un véritable ancrage territorial, et c’est une chance, car nous sommes en plus un établissement public, et donc rattaché à des communes. Dont Sauvagnon en particulier. Je tiens ensuite à souligner l’élan de générosité qu’il y a eu, via des des réseaux familiaux, amicaux, etc… Nous avons par exemple reçu beaucoup de dons pour les protections individuelles, et heureusement ! Mais il y a eu aussi tous ces gestes qui comptent : des fleurs, du chocolat, les dessins des enfants de l’école, les retours des familles, des messages d’élus…
Quelle est votre approche par rapport au déconfinement annoncé ?
Cette période me fait peur. En ce moment, on entend un peu tout et son contraire. Mais je pense que ce ne sera pas immédiat pour les résidents en Ehpad.
Il y aura un après Covid-19 mais, en tant que professionnel de santé, que retiendrez-vous de cette période inédite ?
J’espère que nous aurons du personnel en plus, que personne n’aura la mémoire courte. Il faudra monter d’un cran en matière d’accompagnement. Aujourd’hui, nous mettons en application des protocoles hospitaliers et on a franchi un cap sur le plan de la médicalisation. Il faut savoir que, demain, les Ehpad seront davantage médicalisés , on utilise de plus en plus les nouveaux outils comme, par exemple, la télé-consultation. Mais j’ai aussi des craintes par rapport aux salariés. Il faudra leur donner du temps de repos car ils le mériteront après s’être donnés à 200%. Mais je sais que cela a un coût. Enfin, j’espère que, après cet épisode, l’image des Ehpad sera redorée.